EPREUVE D'ECONOMIE - DROIT
SESSION 1997
Durée 4 H 00
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Ce sujet comporte deux parties indépendantes qui peuvent être traitées dans l'ordre de votre choix, en précisant le numéro de chaque partie traitée.
Des documents vous sont fournis en annexes; Vous devrez vous y reporter, soit comme documentation de base, soit pour répondre à une question précise.
Sujet :
1ère partie : travail méthodologique
1. Etude d'une situation juridique (annexe 1 à 5)
a) Vous analyserez la décision de justice présentée en annexe 1.
b) En exploitant la documentation fournie en annexe 2 à 5 vous montrerez l'importance de cette décision pour les salariés, en précisant successivement :
2. Analyse d'une documentation économique (annexe 6)
Présentez brièvement les modifications organisationnelles des entreprises présentées dans l'annexe 6 ; recensez de façon ordonnée leurs conditions de mise en oeuvre et les effets attendus.
2ème partie : développement structuré
Les échanges internationaux contemporains de biens et de services relèvent-ils du "libre-échange" ?
Annexe 1
Cour da cassation ch. soc. 15 février 1995Arauyo et autres c./SA Les filatures de la Madelaine
Sur le premier moyen de cassation; Vu l'article 1148 du Code civil;
Attendu qu'à la suite d'une inondation le 15 février 1990 des locaux de la société Les filatures de la Madelaine, les contrats des 136 salariés de l'entreprise ont été résiliés pour force majeure les 2 et 5 mais 1990 ;
Attendu que, pour décider que la rupture procédait d'un cas de force majeure, et en conséquence débouter les salariés de le., demande, l'arrêt a énonce que la remise en état et en activité de l'ensemble du matériel n'étant pas financièrement possible, la production de l'usine avait complètement cessé en dehors de la volonté personnelle du chef d'entreprise pour ne reprendre ultérieurement que très partiellement après la réinstallation pendant plusieurs mis et la remise en route par des salariés réembauchés, d'me ligne de production ; que l'employeur s'était vu contraint de façon insurmontable de mettre fin aux contrats de travail;
Attendu, cependant, que si la cessation d'activité consécutive à l'inondation aurait pu être invoquée comme me cause économique de licenciement, elle ne pouvait, en raison de son caractère temporaire et partiel, caractériser un cas de force majeure ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy
Droit avril 1995, p. 384,
Annexe 2
Observations sous l'arrêt de 1a Cour de cassation, ch. soc. 15 février 1995Le présent arrêt ne manquera pas d'intéresser les entreprises récemment victimes d'une inondation entraînant cessation de leur activité ; mais il invite à une réflexion plus large sur les effets de la force majeure en matière de contrat de travail. Sous le visa de l'article 1148 du Code civil, la chambre sociale de la Cour de cassation refuse d'accorder à la cessation d'activité consécutive à une inondation le label de force majeure en raison de son caractère temporaire et partiel. Au mieux, l'employeur aurait pu PL.céder au licenci ement économique des salariés. ( )
La rupture pour force majeure - distincte par nature d'un licenciement - conduit à une rupture libre - pas de respect de préavis - et gratuite - pas de versement d'indemnités de rupture (voir Code du travail, art. L. 122-12 al. 1) du contrat de travail. La situation du salarié dont le contrat est rompu par la force majeure est alors quasiment comparable à celle du salarié qui a commis une faute grave. ( )
Aussi on comprend qu'en présence d'un tel scénario, la jurisprudence écarte le plus souvent la qualification de force majeure ( ) . une solution s'impose. Elle consiste comme l'indique clairement l'arrêt commenté - à faire entrer la rupture pour force majeure dans le giron du licenciement pour -motif économique.
P.-H. Antonmattei
Annexe 3
Art. 1148 c,civ. Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.Note sous l'art. 1148 (Code Dalloz)
La force majeure ne fait obstacle à l'exécution des obligations qu'autant qu'elle empêche le débiteur de donner ou de faire ce à quoi il était obligé; il suit de là que si l'empêchement est momentané, le débiteur n'est pas libéré et l'exécution de l'obligation est seulement suspendue jusqu'au moment où la force majeure vient à cesser. Req. 12 déc. 1992 D.P. 1 924 . I . 186 ; Civ. 1ère 24 fév. 198&1 D. 1982.479.
Annexe 4
Art. L. 122-12 al. 1. La cessation de l'entreprise, sauf cas de force majeurs, ne libère pas l'employeur de l'obligation de respecter le délai-congé et de verser, s'il y a lieu, l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 (1).Art. L. 321-1. Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. ( )
Art. L. 321-14. Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité dans un délai de quatre mois à partir de cette date. ( )
1. L'article L. 122-9 prévoit l'indemnité légale de licenciement.
Annexe 5
Licenciement, ce qui est dûLe préavis : c'est le délai prévu entre la notification du licenciement et le départ effectif. Sa durée minimale est fixée par la loi :
- 1 mois pour me ancienneté de 6 mis à 2 ans
- 2 mois pour me ancienneté supérieure à 2 ans.
Pendant cette période (qui doit permettre au salarié de trouver un emploi), le salarié travaille et il est normalement payé. Mais il arrive que l'employeur préfère que le salarié parte immédiatement, sans effectuer son préavis. Dans ce cas, et bien que le salarié ne vienne plus travailler, les salaires restent dus.
Deux causes de licenciement ne donnent pas droit au préavis : la faute grave et la faute lourde.
L'indemnité légale de licenciement : dans le strict cadre du Code du travail, cette indemnité, créée en 1978, n'est du. qu'à partir de 2 ans d'ancienneté. Elle s'élève à 1/10 du salaire par année de présence (exemple pour 3 ans, 3/10 de mois). Au-delà de 10 ans de présence 1/10 du salaire (par année), plus 1/15 du salaire (par année au-delà de 10 ans). Exemple pour 15 ans d'ancienneté : 15/10, auxquels on ajoute 1/15 multiplié par 5, soit 18,3/10 de mis.
Deux causes de licenciement ne donnent pas droit à l'indemnité légale : la faute grave et la faute lourde.
Utile, avril 1996.
Annexe 6
Moins de chefs, plus d'efficacitéDernier cri du managment : le "delayering" et "l'empowerment". En clair, la réduction des niveaux hiérarchiques et la redistribution des responsabilités à la base, pour que l'entreprise réagisse plus vite.
Avant, au poindre pépin, on appelait le chef, confie un ouvrier, en vissant un tuyau d'oxygène sur une longue bouteille frappée du logo Air Liquide. Maintenant, on recherche nous-mêmes la solution Depuis deux ans, les salariés de ce centre de conditionnement du numéro 1 français des gaz industriels, implanté à Méribel, dans la banlieue lyonnaise, ne peuvent plus s'abriter derrière leur hiérarchie. Et pour cause : tous les niveaux d'encadrement intermédiaires ont disparu. Désormais, chauffeurs, ouvriers, commerciaux et autres techniciens sont directement rattachés au directeur régional. "Grâce à cette organisation allégée, nous espérons améliorer le service client", explique Yves Job, directeur de la région de Lyon.
Le cas d'Air Liquide illustre les nouveaux principes d'organisation appliqués par la plupart des grands groupes internationaux : l'"empowerment" (la responsabilité des salariés) et le "delayering" (ou suppression des niveaux hiérarchiquesà. Partout, l'heure est à la remise en cause de l'organisation traditionnelle taylorienne, pyramidale et bureaucratique.
"C'est la fin des petits chefs, sourit Jacques Tassel, directeur associé du cabinet de conseil en stratégie AT Kearney. Prenez les 25 entreprises les plus performantes du monde : elles ne comptent plus, en moyenne, que cinq ou six niveaux entre le P.D.G. et les responsables d'unité opérationnelle, contre dix à douze il y a quelques années.".
Pour appliquer sur le terrain ces préceptes, il faut procéder en quatre étapes. Dans l'ordre : la suppression des niveaux hiérarchiques inutiles, le redéploiement des cadres, la formation du personnel, et l'adoption d'un nouveau système de rémunération. Le premier volet, "le delayering", n'est pas le plus facile à mettre en uvre. Les managers, premières victimes du raccourcissement des lignes hiérarchiques, font toujours, logiquement, de la résistance passive. "Il faut provoquer une véritable révolution dans les esprits pour éviter la reconstitution des anciennes hiérarchies", observe Jean-Paul Sarraz, du cabinet Cemis, spécialiste des mutations industrielles.
Pour ne pas courir ce risque, Dupont de Nemours, à Dunkerque, choisit ses ingénieurs en fonction de leur capacité à se plier à la nouvelle organisation. Chez Ernst & Young France (audit et conseil), où quatre postes de directeur général ont été supprimés et om le nombre de niveaux hiérarchiques parmi les consultants a été ramené de douze à quatre, l'opération a été soigneusement préparée et annoncée très à l'avance. " Nous nous sommes engagés à maintenir et même à accroître notre effectif", souligne Alain Vincent, associé responsable des ressources humaines.
Tous les cadres dont le poste était supprimé ont été affectés à de nouvelles fonctions. C'est la deuxième phase de la réorganisation. Certes, de grands groupes s'en dispensent et profitent du "delayering" pour se débarrasser d'un personnel d'encadrement coûteux et jugé improductif. Chez Rhône-Poulenc, quelques dizaines de managers, y compris des polytechniciens sont ainsi restés sur le carreau. "Attention, il ne faut pas confondre "delayering" et compression des coûts, prévient Philippe Bideau, directeur associé de McKinsey. L'allègement hiérarchique doit déboucher sur un redéploiement du personnel et non sur sa réduction."
Ainsi, chez l'équipementier automobile Plastic Omnium, qui a "gommé" un
niveau d'encadrement sur quatre dans son usine de Compiègne, les agents de maîtrise se
sont vu confier l'animation des équipes. Auparavant, tous avaient reçu plusieurs heures
de formation. Impossible, en effet, de confier de nouvelles responsabilités aux
opérateurs de base et à la maîtrise sans préparation. C'est le troisième stade de
toute opération d'"empowerment". Dans les usines Renault, le passage de huit à
cinq niveaux d'encadrement a été facilité par la mise en uvre d'un vaste plan de
formation : 6 000 ouvriers et agents de maîtrise sont retournés à l'école afin de
pouvoir travailler sans superviseur.
Bien sûr, leur rémunération a été revalorisée, pour tenir compte de leurs nouvelles
responsabilités. Faute de quoi, la réorganisation n'aurait jamais été acceptée.
L'adaptation des politiques salariales et de gestion des ressources humaines est la
dernière étape de la refonte du management.
Sylvain Courage
Lexique
Air Liquide efface quatre échelons dans son organigramme.
Dans le cadre d'un "empowerment" (responsabilisation des salariés), Air Liquide a supprimé quatre niveaux de management entre 1992 et 1995. Unité de base de la nouvelle organisation : la région. Air Liquide en compte aujourd'hui 200 réparties dans 61 pays.
Dupont de Nemours fait confiance à ses ouvriers. Dès l'ouverture de sa nouvelle usine de Dunkerque, en 1992, le géant de la chimie américaine a "effacé" dans le cadre d'un programme "d'empowerment", deux niveaux d'encadrement.