EPREUVE D'ECONOMIE - DROIT
SESSION 1999
Durée 4 H 00
L'usage des calculatrices n'est pas autorisé.
Ce sujet comporte deux parties indépendantes qui peuvent être traitées dans l'ordre de votre choix, en précisant le numéro de chaque partie traitée.
Des documents vous sont fournis en annexes; Vous devrez vous y reporter, soit comme documentation de base, soit pour répondre à une question précise.
Sujet :
1ère partie : travail méthodologique
Barème indicatif : 12 points
A. Analyse d'une situation juridique
En vous fondant sur l'annexe A (documents 1 et 2) et l'annexe B :
1 - Dégagez le rôle du Conseil de la Concurrence..
2 - Décrivez la procédure de saisine du Conseil de la Concurrence. Justifiez votre réponse..
3 - Expliquez en quoi la décision du ministre de l'économie et des finances est conforme au droit de la concurrence.
B. Analyse d'une documentation économique.
A partir de l'annexe C :
1 - Identifiez les facteurs-clés du succès du groupe USINOR..
2 - Repérez les principaux axes stratégiques du groupe USINOR. Dégagez les avantages
et les limites de chacun d'eux.
3 - Explicitez la phrase : "alors, le cours se traîne et le groupe, valorisé en
Bourse à 22 milliards, a été mis sur la liste des opéables."
2ème partie : développement structuré
Barème indicatif : 8 points
A partir de vos connaissances, vous analyserez les conséquences de la mise en place de
l'Union économique et monétaire pour l'économie nationale et pour les entreprises
françaises.
Annexe A
OPERATION DE RACHAT D'ORANGINA PAR COCA-COLA
Extrait : La Tribune (19 septembre 1998).
Document 2
Le communiqué du ministre de l'éconmie, des finances et de l'industrie
Voici le texte du communiqué diffusé jueid 17 septembre, un peu avant 20 heures :
"Saisi pour avis de l'opération du rachat d'Orangina par Coca-Cola, le Conseil de la
concurrence a mis en évidence les risques sérieux d'atteinte à la concurrence par
Coca-Cola sur le marché de la consommation de boissons gazeuses hors domicile,
c'est-à-dire dans les cafés, les hôtels, les restaurants et les chaînes de
restauration rapide, les cantines, les distributeurs automaituqes, les parcs
d'attractions, les cinémas, etc. Ces risques sont de nature à pénaliser les
consommateurs.
Les discussions très approfondies avec la société Coca-Cola n'ont pas permis d'aboutir
à des engagements suffisants pour prévenir les risques identifés par le Conseil de la
concurrence.
Aussi le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a-t-il décidé, en
accord avec le ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la base de l'analyse du
Conseil de la concurrence, de ne pas autoriser dans ces conditions l'acquisition des
activités françaises de la société Orangina par la société Coca-Cola."
Extrait : Le Monde (19 septembre 1998)
Annexe B
Code de commerceTitre II : Du Conseil de la concurrence
Art 5 : le conseil de la concurrence... donne son avis sur toute question de
concurrence à la demande du Gouvernement...
Titre III : Des pratiques anticoncurrentielles
Art 7 : Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet
d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les
actions concertées, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles
tendant à :
1. limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres
entreprises.
2. faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché favorisant
artificiellement leur hausse ou leur baisse.
3. limiter ou contrôler la production, les débouchés des investissement ou le progrès
technique.
4. répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
Art 8 : Est prohibée dans les mêmes condidtions, l'exploiration abusive par une
entreprise ou un groupe d'entreprises :
1. d'une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de
ce marché.
2. de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard, une
entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente...
La notion de position dominante qui s'entend comme le pouvoir de faire obstacle à une
concurrence effective suppose que l'entreprise considérée occupe sur le marché une
place prépondérante que lui assure, notamment, l'importance des parts qu'elle détient
dans celui-ci, la disproportion entre celles-ci et celles de l'entreprise concurrente.
..................
Titre V : De la concentration économique
Art 38 : Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter
atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position
dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, des finances et de
l'industrie, à l'avis du Conseil de la concurrence.
Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou
qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont, soit réalisé ensemble
plus de 25 % des ventes......, soit totalité un chiffre d'affaires hors taxes de plus de
sept milliards de francs.
..............
Art 42 : Le ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et le
ministre dont relève le secteur économique intéressé peuvent, à la suite de
l'avis du Conseil de la concurrence, par arrêté motivé, et en fixant un délai,
enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration ou de
rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou de compléter
l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence
suffisante.
Annexe C
Laissé pour mort au début des années 80, le sidérurgiste français a retrouvé un moral d'acier
Laissé pour mort au début des années 80, Usinor, symbole des
restructurations interminables, s'apprête à entrer en pleine forme dans le XXIème
siècle. A Dunkerque, à Fos-Sur-Mer, en Lorraine, à Ugine en Savoie ou au Creuzot, les
rescapés des années de crise (50.000 salariés) peuvent être rassurés. L'entreprise
s'est hissée au sixième rang mondial. Elle rivalise maintenant avec British Steel,
Nippon Stelle ou l'allement Thyssen-Krupp.
Aujourdh'ui, une carrosserie de voiture sur quatre en Europe, quelle que soit sa marque,
est faite d'un acier maison. La future canette de COca-Cola qui aura la silhouette de la
fameuse bouteille, a de bonnes chances d'être signée Usinor. Le pont de Normandie est
truffé de tôles Sollac et les rails du TGV sortent des laminoirs de Lorraine... Mais le
plus spectaculaire se trouve dans les livres de comptes. Il y a quinze ans, la sidérurgie
française sortait 18 millions de tonnes d'acier en pure perte. La production n'a pas
beaucoup varié, le chifre d'affaires atteint 72 milliards de francs. Mais, désormais,
Usinor aligne les profits.
12 milliards de francs de profits entre 1993 et 1998
A la fin de l'année, le gouffre à subventions d'autrefois (l'Etat a apporté au fil des
ans 100 milliards à la sidérurgie) annoncera son cinquième exercice bénéficiaire
consécutif depuis 1993. Sur l'ensemble de cette période, le groupe a gagné environ 12
milliards de francs. Alors, le PDG, Francis Mer, se prend à réver. AUx actionnnaires, il
répète que le groupe, privatisé en 1995, affichera bientôt une rentabilité moyenne
entre 10 et 12%. Il en est encore loin : cette rentabilité, de 1993 à 1998, a été de 5
% en moyenne.
En attendant de faire mieux, l'ancien bric-à-brac de la sidérurgie française, né de
l'addition de tout ce que l'Hexagone comptait de laminoirs ou de hauts fourneaux, sera
peut-être sacré numéro 1 mondial cette année, s'il réussit à prendre le contrôle du
belge Cockerill Sambre que la Wallonie souhaite privatiser.
Ce redressement spectaculaire ne s'explique pas seulement par les 100.000 emplois
supprimés depuis 1975. En fait, Usinor a tout changé. Le groupe a reconstruit un outil
industriel cohérent en investissant 5 à 7 milliards de francs par an ; il a ouvert en
grand le robinet des dépenses de recherche et développement pour proposer des aciers à
haute valeur ajoutée, abandonné les aciers courants, formé les hommes et amélioré sa
compétitivité.
Son sursaut, Usinor le doit, paradoxalement à l'automobile qui lui procure
désormais 37 % de ses ventes. Au tournant de la décennie, les constructeurs de l'Union
européenne ont lancé Carmat, un projet de recherche financé par Bruxelles pour trouver
les matériaux de la voiture du futur et tourner le dos à l'acier. Celui-ci
paraissait trop lourd, pas assez élastique dans les tests de résistance, trop buyant. Il
avait tous les défauts et une seule qualité : son prix. AUjourd'hui, les ingénieurs de
l'automibile s'étonnent des qualités insoupçonnées d'un acier revu et corrigé, à qui
il suffit de rajouter un peu de ceci, un peu de cela pour le modeler à volonté...
Si Peugeot et Renault évoquent leur projet d'avenir avec Usinor, c'est que le
sidérurgiste a mis le paquet sur la recherche. Chaque année, il y consacre 1 milliard de
francs. Depuis 1990, cet effort représente 1,3 % de son chiffre d'affaires. A titre de
comparaison, British Steel, le bon élève européen, se contente de 0,74 %...
Le groupe candidat au rachat belge Cockerill Sambre
Revenu du monde des entreprises mortes, le groupe est en passe de réaliser un exploit
impensable jusqu'ici. Depuis octobre, Usinor a pris le contrôle du berlge Fafer (200.000
tonnes d'aciers spéciaux) et du thaïlandais Thaïnox (81.000 tonnes). En Italie, le
français a racheté 49 % du capital de la Magona (750.000 tonnes), dont il détenait
déjà 51 %, et pris 40 % d'Arvedi (850.000 tonnes d'acier plat). Puis, il a renforcé sa
participation dans deux usines du sidérurgiste espagnol Aceralia qui lui avait échappé
au profit du luxembourgeois Arbed. Enfin, des contacts ont été pris avec les
actionnaires du brésilien Acessita. Mais le prochain gros dossier d'acquisition s'appelle
Cockerill Sambre. La Wallonie souhaite céder sa participation (79 %) dans le groupe
dirigé par Jean Gandois, l'ancien président du MEDEF (ex- CNPF). Trop centré sur
l'Europe (il y réalise 85 % de son chiffre d'affaires); faiblement bénéficiaire (480
millions de profits l'an dernier pour 33,6 milliards de chiffre d'affaires), Cockerill
Sambre doit impérativement réduire ses coûts de production.
Pas tèrs emballant. Et pourtant, tous les grands européens du secteur espèrent
reprendre ses 6,8 millions de tonnes d'acier. En remportant le morceau, Usinor passerait
devant le leader actuel, Nippon Steel, et ses 26 millions de tonnes. Cela réveillera-t-il
la Bourse ? Pas sûr. Francis Mer n'aime pas communiquer et cela pèse sur l'action
Unsinor. L'homme a plaidé et obtenu la privatisation, mais rechigne à assurer le service
après-vente auprès des financiers. Alors, le cours se traîne et le groupe, valorisé en
Bourse à 22 milliards, a été mis sur la liste des opéables. Presque un titre de
gloire.
Philippe DOuroux
Source : Capital (juin 1998)