EPREUVE D'ECONOMIE - DROIT
SESSION 1999

Durée 4 H 00

L'usage des calculatrices n'est pas autorisé.

Ce sujet comporte deux parties indépendantes qui peuvent être traitées dans l'ordre de votre choix, en précisant le numéro de chaque partie traitée.

Des documents vous sont fournis en annexes; Vous devrez vous y reporter, soit comme documentation de base, soit pour répondre à une question précise.

 

Sujet :

 

1ère partie : travail méthodologique

Barème indicatif : 12 points

A. Analyse d'une situation juridique

En vous fondant sur l'annexe A (documents 1 et 2) et l'annexe B :

1 - Dégagez le rôle du Conseil de la Concurrence..

2 - Décrivez la procédure de saisine du Conseil de la Concurrence. Justifiez votre réponse..

3 - Expliquez en quoi la décision du ministre de l'économie et des finances est conforme au droit de la concurrence.

B. Analyse d'une documentation économique.

A partir de l'annexe C :

1 - Identifiez les facteurs-clés du succès du groupe USINOR..

2 - Repérez les principaux axes stratégiques du groupe USINOR. Dégagez les avantages et les limites de chacun d'eux.

3 - Explicitez la phrase : "alors, le cours se traîne et le groupe, valorisé en Bourse à 22 milliards, a été mis sur la liste des opéables."

2ème partie : développement structuré

Barème indicatif : 8 points

A partir de vos connaissances, vous analyserez les conséquences de la mise en place de l'Union économique et monétaire pour l'économie nationale et pour les entreprises françaises.

Annexe A

OPERATION DE RACHAT D'ORANGINA PAR COCA-COLA

Document 1
Bercy s'oppose au rachat d'Orangina par Coca-Cola
Les longues journées de tractations entre la direction de Coca-Cola et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, auront été vaines : alors que l'on attendait, hier, le feu vert des pouvoirs publics au rachat d'Orangina par le groupe américain, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a finalement décidé de s'y opposer. Pour justifier son refus, le ministre évoque l'insuffisance des engagements de l'acheteur quant au respect des règles de la concurrence. Le problème soulevé par le Conseil de la concurrence est connu. En mettant la main sur Orangina, Coca-Cola s'offrait par la même occasion le distributeur de son principal concurrent Pepsi pour tout le circuit hors domicile, c'est-à-dire les cafés, hôtels, restaurants et autres collectivités. En d'autres termes, la firme d'Atlanta prenait une position plus que dominante dans la distribution des sodas en France. Les concessions que Coca-Cola se proposait de faire n'ont donc pas suffi pour emporter l'adhésion des pouvoirs publics.

Extrait : La Tribune (19 septembre 1998).

Document 2
Le communiqué du ministre de l'éconmie, des finances et de l'industrie
Voici le texte du communiqué diffusé jueid 17 septembre, un peu avant 20 heures : "Saisi pour avis de l'opération du rachat d'Orangina par Coca-Cola, le Conseil de la concurrence a mis en évidence les risques sérieux d'atteinte à la concurrence par Coca-Cola sur le marché de la consommation de boissons gazeuses hors domicile, c'est-à-dire dans les cafés, les hôtels, les restaurants et les chaînes de restauration rapide, les cantines, les distributeurs automaituqes, les parcs d'attractions, les cinémas, etc. Ces risques sont de nature à pénaliser les consommateurs.
Les discussions très approfondies avec la société Coca-Cola n'ont pas permis d'aboutir à des engagements suffisants pour prévenir les risques identifés par le Conseil de la concurrence.
Aussi le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a-t-il décidé, en accord avec le ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la base de l'analyse du Conseil de la concurrence, de ne pas autoriser dans ces conditions l'acquisition des activités françaises de la société Orangina par la société Coca-Cola."

Extrait : Le Monde (19 septembre 1998)

 

Annexe B

Code de commerce
Extrait de l'ordonnance du 1er décembre 1986

Titre II : Du Conseil de la concurrence
Art 5 : le conseil de la concurrence... donne son avis sur toute question de concurrence à la demande du Gouvernement...

Titre III : Des pratiques anticoncurrentielles
Art 7 : Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendant à :
1. limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.
2. faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.
3. limiter ou contrôler la production, les débouchés des investissement ou le progrès technique.
4. répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Art 8 : Est prohibée dans les mêmes condidtions, l'exploiration abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises :
1. d'une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de ce marché.
2. de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente...

La notion de position dominante qui s'entend comme le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective suppose que l'entreprise considérée occupe sur le marché une place prépondérante que lui assure, notamment, l'importance des parts qu'elle détient dans celui-ci, la disproportion entre celles-ci et celles de l'entreprise concurrente.
..................

Titre V : De la concentration économique
Art 38 : Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie, à l'avis du Conseil de la concurrence.

Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont, soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes......, soit totalité un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs.
..............

Art 42 : Le ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre dont relève le secteur économique intéressé peuvent,  à la suite de l'avis du Conseil de la concurrence, par arrêté motivé, et en fixant un délai, enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou de compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence suffisante.

Annexe C

Laissé pour mort au début des années 80, le sidérurgiste français a retrouvé un moral d'acier

Laissé pour mort au début des années 80, Usinor, symbole des restructurations interminables, s'apprête à entrer en pleine forme dans le XXIème siècle. A Dunkerque, à Fos-Sur-Mer, en Lorraine, à Ugine en Savoie ou au Creuzot, les rescapés des années de crise (50.000 salariés) peuvent être rassurés. L'entreprise s'est hissée au sixième rang mondial. Elle rivalise maintenant avec British Steel, Nippon Stelle ou l'allement Thyssen-Krupp.

Aujourdh'ui, une carrosserie de voiture sur quatre en Europe, quelle que soit sa marque, est faite d'un acier maison. La future canette de COca-Cola qui aura la silhouette de la fameuse bouteille, a de bonnes chances d'être signée Usinor. Le pont de Normandie est truffé de tôles Sollac et les rails du TGV sortent des laminoirs de Lorraine... Mais le plus spectaculaire se trouve dans les livres de comptes. Il y a quinze ans, la sidérurgie française sortait 18 millions de tonnes d'acier en pure perte. La production n'a pas beaucoup varié, le chifre d'affaires atteint 72 milliards de francs. Mais, désormais, Usinor aligne les profits.

12 milliards de francs de profits entre 1993 et 1998

A la fin de l'année, le gouffre à subventions d'autrefois (l'Etat a apporté au fil des ans 100 milliards à la sidérurgie) annoncera son cinquième exercice bénéficiaire consécutif depuis 1993. Sur l'ensemble de cette période, le groupe a gagné environ 12 milliards de francs. Alors, le PDG, Francis Mer, se prend à réver. AUx actionnnaires, il répète que le groupe, privatisé en 1995, affichera bientôt une rentabilité moyenne entre 10 et 12%. Il en est encore loin : cette rentabilité, de 1993 à 1998, a été de 5 % en moyenne.

En attendant de faire mieux, l'ancien bric-à-brac de la sidérurgie française, né de l'addition de tout ce que l'Hexagone comptait de laminoirs ou de hauts fourneaux, sera peut-être sacré numéro 1 mondial cette année, s'il réussit à prendre le contrôle du belge Cockerill Sambre que la Wallonie souhaite privatiser.

Ce redressement spectaculaire ne s'explique pas seulement par les 100.000 emplois supprimés depuis 1975. En fait, Usinor a tout changé. Le groupe a reconstruit un outil industriel cohérent en investissant 5 à 7 milliards de francs par an ; il a ouvert en grand le robinet des dépenses de recherche et développement pour proposer des aciers à haute valeur ajoutée, abandonné les aciers courants, formé les hommes et amélioré sa compétitivité.

Son sursaut, Usinor le doit, paradoxalement à l'automobile qui  lui procure désormais 37 % de ses ventes. Au tournant de la décennie, les constructeurs de l'Union européenne ont lancé Carmat, un projet de recherche financé par Bruxelles pour trouver les matériaux de la voiture du futur et tourner le dos  à l'acier. Celui-ci paraissait trop lourd, pas assez élastique dans les tests de résistance, trop buyant. Il avait tous les défauts et une seule qualité : son prix. AUjourd'hui, les ingénieurs de l'automibile s'étonnent des qualités insoupçonnées d'un acier revu et corrigé, à qui il suffit de rajouter un peu de ceci, un peu de cela pour le modeler à volonté...

Si Peugeot et Renault évoquent leur projet d'avenir avec Usinor, c'est que le sidérurgiste a mis le paquet sur la recherche. Chaque année, il y consacre 1 milliard de francs. Depuis 1990, cet effort représente 1,3 % de son chiffre d'affaires. A titre de comparaison, British Steel, le bon élève européen, se contente de 0,74 %...

Le groupe candidat au rachat belge Cockerill Sambre

Revenu du monde des entreprises mortes, le groupe est en passe de réaliser un exploit impensable jusqu'ici. Depuis octobre, Usinor a pris le contrôle du berlge Fafer (200.000 tonnes d'aciers spéciaux) et du thaïlandais Thaïnox (81.000 tonnes). En Italie, le français a racheté 49 % du capital de la Magona (750.000 tonnes), dont il détenait déjà 51 %, et pris 40 % d'Arvedi (850.000 tonnes d'acier plat). Puis, il a renforcé sa participation dans deux usines du sidérurgiste espagnol Aceralia qui lui avait échappé au profit du luxembourgeois Arbed. Enfin, des contacts ont été pris avec les actionnaires du brésilien Acessita. Mais le prochain gros dossier d'acquisition s'appelle Cockerill Sambre. La Wallonie souhaite céder sa participation (79 %) dans le groupe dirigé par Jean Gandois, l'ancien président du MEDEF (ex- CNPF). Trop centré sur l'Europe (il y réalise 85 % de son chiffre d'affaires); faiblement bénéficiaire (480 millions de profits l'an dernier pour 33,6 milliards de chiffre d'affaires), Cockerill Sambre doit impérativement réduire ses coûts de production.

Pas tèrs emballant. Et pourtant, tous les grands européens du secteur espèrent reprendre ses 6,8 millions de tonnes d'acier. En remportant le morceau, Usinor passerait devant le leader actuel, Nippon Steel, et ses 26 millions de tonnes. Cela réveillera-t-il la Bourse ? Pas sûr. Francis Mer n'aime pas communiquer et cela pèse sur l'action Unsinor. L'homme a plaidé et obtenu la privatisation, mais rechigne à assurer le service après-vente auprès des financiers. Alors, le cours se traîne et le groupe, valorisé en Bourse à 22 milliards, a été mis sur la liste des opéables. Presque un titre de gloire.

Philippe DOuroux
Source : Capital (juin 1998)